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vendredi, janvier 24, 2014

Entretien avec mon ami Pierro

Les deux amis s’étaient retrouvés chez l’un ou chez l’autre, peu importait le lieu, tant que l’un pouvait se fondre dans l’autre, se perdre, se comprendre. Ce soir-là, le poids des jours semblait plus lourd que d’ordinaire. L’atmosphère était dense, saturée de pensées sombres.

— Ça ne va pas du tout. Mais du tout... Me revoilà encore dans la m*. J’en suis conscient et je ne fous rien, lâcha-t-il, la tête entre les mains, une cigarette roulée suspendue aux lèvres comme un dernier rempart contre le vide. Que faire ? Que faire, mon Dieu ! cria-t-il, son désarroi éclatant dans la pièce.

Son ami l’observa un instant, impassible.

— Y penser, c’est déjà un début, répondit-il calmement.

— Mais je suis fatigué. J’aimerais tant faire un break. Je ne suis pas du genre mou, mais quelque chose me retient, quelque chose que je ne peux nommer... Peut-être mon handicap.

L’autre releva la tête, intrigué.

— Quel handicap ?

— L’handicap, l’handicap... On en a tous un, ou même plusieurs. Parfois, c’est un enfant brisé ou battu, parfois, c’est une récréation mal passée... Les handicaps, c’est tout un vécu, cher ami.

Un silence s’installa, chargé de non-dits. Puis son ami esquissa un sourire amer.

— Moi, c’est peut-être la claque que j’ai prise quand j’étais gosse, avec Mounia. Le jour où elle m’a dit qu’elle aimait un gros nase de notre classe. Je l’aimais tellement, Mounia... Pour garder un peu d’elle, j’utilise encore son nom comme mot de passe, aujourd’hui. Mais je vais le changer maintenant que tu sais.

Il laissa échapper un petit rire, mais son regard se perdit quelque part entre nostalgie et regrets. L’autre le scruta longuement avant de murmurer :

— Tu sais, j’aimerais être toi. non seulement t'es tout le temps heureux, tout le temps  en forme, tout le temps  celui qui remet la balance en équilibre, mais tu le crie tu le fais savoir. Quand on t’appelle, tu réponds présent. Tu es noyé dans tes soucis jusqu’au cou, ta vie est une histoire raconté dans un theatre,  "où tu parades sur sa scène, tu cries, tu cours, tu sautes, tu danses, tu pleures... c'est un récit rempli d'amour de joie et de tristesse " et puis soudain on t'entends plus. Mais tu continues quand-même à répondre présent et avec le sourire et la bonne humeur. 
Quel est ton secret?

L’ami haussa les épaules.

— L’expérience m’a appris une chose : ce qui compte, c’est la santé physique et morale. Le reste, il faut le relever, l’affronter. Se noyer dans ses soucis, ça ne sert à rien. Regretter, ça ne sert à rien non plus. Rester figé sur un passé douloureux, ça ne sert absolument à rien. tu me vois comme ça tête en l'air, mais j'ai toujours géré ma vie et depuis mes dix huit ans. il faut pas la subir, la vie, non non, surtout pas, il faut essayer et re essayer et re re essayer et toujours essayer de la gérer. Ma mère m'a toujours appris que là où il y a une volonté, il y a un chemin. 

L’autre hocha lentement la tête, l’air perdu dans une réflexion silencieuse.

— Là où il y a une volonté, il y a un chemin... murmura-t-il. Merci, mon ami... Là où il y a une volonté, il y a un chemin...

Et la nuit, doucement, referma son étreinte sur eux.